Parfois, la vie nous réserve de belles surprises.
Il y a 4 ans, je commençais à écrire un troisième recueil. Il y a un an, je le soumettais pour publication, soulagée de pouvoir enfin « m’en débarrasser ». Je me souviens de l’urgence qui m’habitait à ce moment-là : le recueil était empreint d’un ressentiment dont je voulais me défaire pour passer à autre chose. Malheureusement, avec un recul, je me suis rendu compte que le manuscrit n’était pas prêt et j’ai demandé à l’éditeur qu’il le retire. Il m’a suggéré d’en soumettre une deuxième version…
Le problème, c’est que je me voyais mal continuer à travailler sur un recueil qui me replongeait dans une période aussi sombre de ma vie. J’ai donc décidé que ce recueil ferait partie de mes archives personnelles, tout simplement. J’ai supprimé le manuscrit de mon ordi et j’ai misé sur d’autres projets. Fuck it. J’en ferais mon deuil.
Il y a deux semaines, je me suis mise à écrire un texte poétique en prévision d’un spectacle littéraire auquel je participerai à la fin de novembre. J’ai décidé de m’amuser. Les thématiques et les images qui apparaîtraient dans mon écriture seraient une surprise. Je me suis laissé guider par « ce qui avait besoin d’être dit » et je me suis relue. Bouche bée.
La thématique principale, les images et les symboles qui en sont ressortis sont les mêmes que ceux qui se retrouvaient dans mon recueil commencé en 2014. Je me suis dit : « Oh my god. C’est un univers qui m’habite encore? Qu’est-ce que je fais avec ça? » Puis le lendemain, je me suis réveillée avec une sensation dans les poumons, celle qui se manifeste chaque fois que je traverse un deuil important. Puis j’ai suivi mon intuition : il fallait que je revisite mon recueil afin d’explorer davantage le thème de la non maternité.
Heureusement, j’avais sauvegardé une copie de mon recueil et j’ai pu intégrer à celui-ci ce que je venais tout juste de pondre. J’ai imprimé tous les morceaux du manuscrit et les ai étalés sur le plancher de mon appartement. Je savais à présent quelle était la ligne de sens à suivre. Après plusieurs heures de travail, j’avais un manuscrit qui se tenait. Ne manquait plus que la fin, ce que j’estimais être une dizaine de pages.
Je me suis heurtée à plusieurs obstacles en cours de route. Je dormais mal, je me sentais possédée par une charge émotionnelle qui avait besoin d’être véhiculée par moi, mais à laquelle je ne trouvais pas de mot. J’ai été à nouveau habitée par l’urgence de mettre un terme à tout ce que « la relation toxique avec un homme » représentait pour moi. Ce dont je faisais le deuil n’était pas qu’une relation : c’est une partie de moi qui mourrait. Cette partie de moi qui avait, pendant tant d’années, cherché un sauveur. Un amoureux qui la délivrerait du manque initial. Qui épongerait les blessures. Cette partie de moi s’était envolée, j’avais l’impression, mais elle n’avait toujours pas trouvé refuge dans mon écriture. Trouvé voix en moi-même.
Puis j’ai pleuré. J’ai eu mal au cœur, au ventre, à la gorge, et j’ai su qu’il faudrait tôt ou tard me l’approprier, cette partie, avant de la laisser aller. Ce que j’ai fait. J’ai travaillé sur mon manuscrit à peu près tous les jours la semaine dernière. Puis quand j’ai eu terminé, je suis allée prendre une douche. Puis j’ai trouvé un cheveu blanc. Ce qui m’a à la fois horrifiée et amusée. L’écriture de mon recueil avait-elle eu pour effet de me faire « vieillir »? Étais-je enfin passée de fille à femme?